Le peintre décorateur : complice ou concurrent du scénographe?
Le peintre décorateur intervient pour la réalisation des peintures grand format sur toile, tulles ou tapis de danse. Il réalise les patines, matièrages sur les différents éléments de décors.
1 – LA PEINTURE
La peinture permet d’habiller les structures qui s’opposent aux déplacements des comédiens. Elle amène de nouvelles informations sur la nature même des objets qu’elle recouvre. Une toile peinte située au lointain devient paysage, porte monumentale, brume évanescente. La peinture appartient à l’espace dramatique dans sa capacité à changer d’intensité en fonction de l’éclairage.
Peinture pour le festival de Loire réalisée par Ludmila Volf
La peinture est toujours constituée d’un pigment qui donne la couleur et d’un liant qui permet de fixer cette couleur sur les supports. Chaque type de liant sera choisi en fonction des matériaux à recouvrir. Il y a trois grands types de dosage liant/pigment:
La couleur en pâte:
Le liant sera très épais et la densité de pigment plus importante de façon à ce que la couleur vienne complètement recouvrir le support.
Le jus :
C’est une couleur en pâte très diluée. cela permet d’apercevoir le support, les veines d’un bois par exemple.
Le lait :
C’est un jus composé d’une forte proportion de Blanc.
Peinture du tulle de The roots réalisée par Ludmila Volf
2 – LES PATINES
Patine de temps
Les patines sont le reflet du temps qui passe. Tous les systèmes complexes constitués tendent vers leur dégradation. Les patines vont nous permettre d’apprécier ces fractures du temps. La pluie, le soleil, les frottements, la pollution, les ombres, les traces participent à la vraisemblance d’une structure, d’un objet. Le peintre décorateur devra être attentif à comment certaines parties du décor sont exposées au temps et aux comédiens qui l’utilise.
Rouille réalisée sur du bois
3 – LES MATIÈRAGES
Au même titre que le texte dramatique, la matière peut être douce, rugueuse, agressive ou caressante. Le peintre décorateur intervient également sur le matièrage pour lui donner rythme, ombre et couleur.
Le matièrage est un traitement de surface pour les structures. Il permet d’apporter des informations supplémentaires sur ce que les structures représentent dramatiquement et plastiquement. Il peut être réalisé sur des châssis, sur des constructions et sur des rideaux. (enduit de façade, fond tourmenté, vieux plâtres, faux béton etc…)
Avant de commencer un matièrage grandeur nature, on aura préparé lors de la présentation de la maquette une palette matière qui servira de référence.
Pour le spectacle en salle, les spectateurs se trouvent à quelques mètres du plateau, il est alors facile d’imiter une matière grâce à des procédés de matières ou d’éclairages. Pour les arts de la rue et l’événementiel, où il n’y pas d’éclairages pendant le jour, il faudra faire en sorte que le spectateur y croit a une distance au moins égale à la longueur de son bras tendu.
La très grande proximité du spectateur impose une exigence particulière quand on veut jouer du naturalisme. Le spectateur ne dit pas qu’on s’y croit, il dit qu’on s’y croirait, comme si la magie du naturalisme ne prenait que de s’annoncer comme tour de passe-passe. Un matièrage réussi, c’est celui qu’on a envie de toucher, de gratter et de regarder à nouveau pour qu’alors soit convoquée une nouvelle vraisemblance.
Un travail avec l’éclairagiste devra être fait de manière a ce qu’il joue sur les différentes possibilités soit d’écraser (lumière de face) ou de révéler (rasant) le travail de matièrage.
Un matièrage de qualité attrape mieux la lumière qu’un à plat de peinture, il donne un semblant d’usure à l’objet, une vie. Les éléments de décor sont souvent regardés d’assez loin, il ne faut donc pas hésiter à renforcer les effets: une fourrure très rase donnera par exemple un effet soyeux, un moucheté de gros sables collés à la résine donnera le côté mat d’une roche…
Le matièrage est constitué par 3 éléments, le liant, la charge, le support,. On peut être amené à faire une patine de vie sur le matièrage.
Les charges
Si l’on veut que le matièrage corresponde à la réalité (vieux enduits, peinture écaillée, terre, béton, etc…) on pourra prendre pour base les enduits du bâtiment.
On peut trouver une grande quantité d’enduits dans les produits du bâtiment, mais ils sont lourds, rugueux, et il tiennent mal sur du bois ou du tissu. Pour les utiliser, il faut les mélanger à un liant qui va les rendre plus souples et leur permettre de mieux s’accrocher au support.
Tout ce qui peut se trouver en poudre ou en granulat va pouvoir être utilisé comme charge a conditions de prendre le bon liant. Le matièrage n’est pas une science exacte et la palette-matière servira à choisir le bon.
Le liant
Le liant sert a faire tenir les charges en leur permettant d’adhérer sur les supports qui sont à 95 % du bois ou de la toile. Il trouvera toute sa qualité dans la rapidité avec laquelle il séchera d’abord en surface puis à cœur. Le maximum qu’on peut leur demander étant quand même de 24 heures. Voici quelques liants les plus courants. ATTENTION CERTAINS NE SONT PAS CLASSÉS AU FEU.
Les résines (polyester, epoxy, eva)
Les résines prennent à cœur et en surface pratiquement en même temps, ce qui fait gagner un temps considérable. Le désavantage, c’est qu’elles sont très odorantes et peuvent provoquer des allergies. C’est un liant qui donne, dans certain cas, des matièrages, rigide et cassant. Il doit donc s’appliquer sur des surfaces stabilisées et solides.
Slastic
C’est un élastomère acrylique hydrosoluble mono composant qui forme au séchage une peau élastique très résistante. On peut y adjoindre n’importe quelle charge. Produit très performant, seul inconvénient, il est blanc, mais peut tout a fait le peindre en prenant soin d’y incorporer un peu de colorant “pigment ou biberon” pour que si la peinture prend un choc on ne voit pas apparaître la couleur blanche.
Latex
Produit intéressant, mais qui ne dure pas dans le temps (max 2 à 3 ans comme un spectacle d’ailleurs, mais il est tellement pratique, qu’on l’utilise quand même malgré cet inconvénient. Il existe un épaississant qu’on y incorpore pour l’épaissir.
Acétate de polyvinyle.
Polymère thermoplastique. Il est transparent. Il sèche rapidement en surface, mais il est plus long à sèche à cœur que le slastic.
Colle à bois extérieur
Plus économique, sensiblement les mêmes propriétés que l’acétate de polyvinyle.
Matièrage latex